Épître de Paul aux Éphésiens, le chapitre 2, versets 8 à 10

« Car c’est par la grâce que vous êtes réconciliés avec Dieu, par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, cette grâce est un don de Dieu. Ce n’est point par les bonnes œuvres, par vos actions, par vos mérites afin que personne ne se glorifie car nous sommes créatures de Dieu ayant été créées en Jésus-Christ pour de bonnes œuvres que Dieu a préparées à l’avance afin que nous les pratiquions »

Chaque année, le 31 octobre, la tradition protestante nous conduit à célébrer la fête de la Réforme. En 1517, Martin Luther afficha, sur la porte de l’église du château de Wittenberg en Allemagne, 95 thèses qui ont marqué le début du protestantisme. Je reviens sur ce qualificatif « Être protestant » à partir de deux versets de l’Épître aux Éphésiens qui résument l’essentiel de la foi protestante. C’est l’occasion d’évoquer les grands principes du protestantisme.

LA GRÂCE

C’est par la grâce, par la grâce seulement que nous sommes sauvés. Voici le premier terme fondateur. Mais qu’est-ce que la grâce ? L’amour inconditionnel de Dieu qui ne regarde pas à ce que nous faisons mais qui regarde au plus profond de nos cœurs. La grâce est une donnée profondément injuste car elle ne repose pas sur la justice, elle repose sur le pardon et le pardon est foncièrement injuste ; la réalité d’une justice est la rétribution. A tel acte, telle conséquence. Le pardon, comme le mot le dit lui-même, c’est « par un don » et un don c’est par hypothèse gratuit, cela ne se mérite pas, cela ne fait que s’offrir et se recevoir. On raconte l’histoire d’une mère qui va voir un roi pour plaider la cause de son fils qui avait été mis en prison et qui lui dit « je supplie que vous fassiez grâce à mon fils ». Le roi lui répond « votre fils ne mérite pas que je lui fasse grâce » et la mère répond « exactement, monsieur le roi, il ne le mérite pas. S’il le méritait, ce ne serait plus une grâce ». Le roi libéra le fils en lui disant « n’oublie jamais ce que ta mère a fait pour toi ». C’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le regard de Dieu, un regard bienveillant envers nous.

LA FOI

Le deuxième principe évoqué par le texte est « par le moyen de la foi ». C’est par la grâce que nous sommes réconciliés avec Dieu, que nous sommes sauvés. Mais cela implique une rupture, comme l’indique ce texte que je cite régulièrement de Blaise Pascal : « il y a dans le cœur de l’homme un vide en forme de Dieu que Dieu seul peut remplir ». Ce vide a été causé par une rupture, par la fuite de l’homme, et non pas celle de Dieu. Et Dieu cherche l’homme, mais parfois l’homme ne veut pas se laisser trouver.

La foi c’est justement cette confiance en Dieu qui me veut du bien. Beaucoup de gens ont peur de Dieu, de ce qu’Il pourrait leur demander de faire ou de ne pas faire, d’abandonner ou de donner. La foi, s’oppose à la méfiance. Alors qu’aujourd’hui, si on annonce que quelque chose est gratuit, beaucoup en doutent. Il faut au contraire faire confiance. Être confiant que Dieu veut non seulement le meilleur pour nous, mais qu’il sait ce qui est le meilleur pour nous. La foi, c’est cette main tendue pour recevoir cette grâce de Dieu. La foi c’est accepter d’être accepté. C’est le mendiant qui tend la main pour recevoir les miettes ou piécettes qui tomberont dans sa main. La foi, c’est reconnaître que je ne peux rien faire par moi-même et que Dieu a tout fait, c’est donc apprendre à lui dire merci.

À DIEU SEUL LA GLOIRE

Lorsque les réformateurs ont affirmé cette vérité qui avait été perdue de vue, ce fut une libération incroyable. Le salut  ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu, ce n’est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie. Là on retrouve un grand principe : à Dieu seul soit la gloire. La gloire ne revient pas à l’homme. Solo Deo Gloria, trois lettres, « S D G », par lesquelles Jean-Sébastien Bach signait toutes ses partitions. Trois lettres avec lesquelles Haendel, après avoir écrit son fameux Messie, va lui aussi se mettre à signer ses partitions. Ce n’est point par vos mérites, par vos bonnes actions ; toutes ces œuvres sont bienvenues, humainement et socialement, mais au regard de Dieu, même si cela nous dérange parfois de l’entendre dire, ça ne compte pas. Ce qu’il faut, c’est reconnaître ce que Dieu a fait pour moi et pour nous. On peut être fier de ce que l’on fait, on peut avoir des ambitions et des projets, on doit avoir une estime de soi, mais la gloire revient à Dieu et le merci de nos cœurs doit revenir à Dieu. Car nous sommes son ouvrage ayant été créés en Jésus Christ.

JÉSUS CHRIST

Il n’y a pas d’autre intermédiaire que le Christ, le Christ a tout accompli pour nous. Il est notre exemple, notre avocat auprès du Père, notre accompagnateur, notre consolateur, notre rédempteur, celui qui a « payé » pour nous. Il est là pour nous tenir la main et nous amener, nous élever vers la gloire de Dieu le Père.

LE SACERDOCE UNIVERSEL

Les réformateurs ont été particulièrement agacés par tous les saints, tous les intermédiaires, tout le rituel qui pouvait servir à séparer les hommes de Dieu. Ils affirmaient et nous affirmons encore et encore : « vous avez un accès direct auprès du Père ». Le Christ a tout accompli. Chacun de vous peut s’adresser directement à Dieu car chacun d’entre vous est prêtre. Vous êtes responsable pour vous-même et par vous-même de cette relation avec Dieu. Il s’agit aussi d’une relation avec la parole.

LES ÉCRITURES SEULES

Ce qui sera le sixième fondement : les écritures seules et non pas la tradition des hommes. C’est le témoignage des écritures, cette nourriture spirituelle qui nous est donnée pour notre vie et notre âme. Il faut nourrir notre foi.

Comme un enfant, un bébé au berceau. Pour qu’il grandisse en bonne santé, il faudra pour commencer un contact, une chaleur humaine et parler à cet enfant. Un exemple éclairant : il y avait encore récemment une clinique mexicaine juste à la frontière qui manquait de tout, et de l’autre côté de la frontière, une clinique pédiatrique américaine qui elle était à la fine pointe de la technologie. Et pourtant la mortalité infantile était plus élevée dans cette clinique américaine que dans celle du Mexique. Une enquête a été réalisée : dans la clinique américaine tout était aseptisé, les relations entre les infirmières et les poupons étaient distantes, avec une mécanisation des soins. De l’autre côté, une présence et une attention beaucoup plus fortes. Or, le bébé a besoin qu’on puisse lui parler. Cette parole pour le chrétien, c’est un peu comme la prière. Parler avec Dieu, sentir et ressentir sa présence, sa chaleur. Parfois on va la sentir, parfois non, mais être là en dialogue, en communication.

L’autre condition pour que le bébé puisse grandir en bonne santé, c’est la nourriture. C’est cette parole qui nous est offerte comme nourriture spirituelle nécessaire pour notre âme et notre vie. On ne comprend pas tout et tout ne va pas nous transporter. Mais il y a tant de versets dans la Bible pour nous aider à vivre notre présent et à grandir dans la foi !

L’ÉGLISE

La troisième demande de l’enfant, c’est une interaction sociale avec les autres enfants de son âge. Si celle-ci n’existe pas, l’enfant aura des problèmes de comportement. Voici la fonction de la communauté chrétienne : répondre au besoin de l’autre. Nous souffrons d’une certaine paresse spirituelle et affirmons, comme beaucoup, « moi, ma vie chrétienne je la vis chez moi ». C’est peut-être utile pour la prière, pour la lecture de la Bible mais pas pour le contact avec l’autre croyant, l’autre chrétien dans cette communauté chrétienne qui est totalement nécessaire. J’ai souvent entendu la formule « je ne veux pas m’impliquer dans l’Eglise, je suis comme un électron libre ». Cette parole est triste parce qu’elle reflète à la fois une sorte d’égoïsme spirituel (« les autres n’ont pas besoin de moi »), mais aussi une sorte d’orgueil spirituel (« je n’ai pas besoin des autres »).

LA RÉFORME DOIT SE RÉFORMER

Un siècle plus tard, une autre parole sera également ajoutée à ces fondements du protestantisme. La Réforme doit toujours se réformer. J’ai parfois entendu affirmer que c’est le principe le plus important, qu’il faut toujours être ouvert à la nouveauté. C’est une erreur à mon avis. La vraie signification de la formule, c’est que le protestantisme n’est pas une évolution spirituelle, c’est un retour aux sources, un retour qui doit être permanent, et donc toujours recommencé. Un retour à la Bible. Un retour à la simplicité de l’Evangile et de la relation avec Dieu. Le protestantisme est un mouvement de désacralisation. Arrêtons la magie, les superstitions, revenons à l’essentiel. Ne perdons pas de vue que c’est la grâce qui prime, ne tombons pas dans une sorte de marchandage avec Dieu. Ne perdons pas de vue que c’est par la foi seulement que nous obtenons le salut, et non par nos œuvres, nos mérites, nos bonnes actions. Que c’est par le Christ seulement. Ne relativisons pas les Ecritures. Ne perdons pas de vue les principes clairement énoncés au profit d’une certaine modernité. Ayons toujours ce regard vers la source qui nous permet de nous abreuver, nous nourrir et avancer.

Que le Seigneur puisse nourrir en nous cette fierté d’être protestant dans ce rapport direct avec Dieu, avec l’Ecriture, avec l’autre et qu’il nous permette également de grandir !

Marc Henri Vidal (culte du 15 novembre 2020)